Selon l'Āyurveda, les dépendances sont liées à un manque de contentement intérieur. Elles s'accompagnent d'une perturbation des trois upadoṣa les plus importants qui sont liés au cœur et au système nerveux : prāṇa vāta (paix), sādhaka pitta (contentement intérieur) et tarpaka kapha (stabilité, force intérieure). La nicotine se fixe sur les cellules et les organes, tandis que l'alcool perturbe les treize feux (agni) du corps, en commençant par le feu digestif (jaṭharāgni), puis en s'attaquant aux feux des sept tissus fondamentaux (dhātvagni) et enfin aux feux des cinq grands éléments (mahābhūtāgni) situés dans le foie.
Être motivé et prendre son temps
Arrêter de fumer ou de boire demande tout d'abord de le vouloir vraiment. Cela paraît bête à dire, mais beaucoup de personnes échouent tout simplement parce qu'elles n'ont pas vraiment décidé d'arrêter et essaient simplement pour se donner bonne conscience ou sous la pression de leur entourage. Avoir un désir profond de se débarrasser de son addiction est le premier pas – et peut-être le plus important – vers la libération !
Pour mettre fin à ces dépendances et rétablir l'équilibre, l'Āyurveda conseille de réduire progressivement sa consommation tout en détoxifiant l'organisme. En effet, un arrêt brutal de la consommation de tabac ou d'alcool risque de créer un nouveau déséquilibre qui sera compensé par une nouvelle addiction (à la nourriture, par exemple). Ainsi, quelqu'un qui fume vingt cigarettes quotidiennement pourra réduire sa consommation à dix-huit cigarettes par jour pendant une semaine, puis à seize cigarettes la semaine suivante, etc. Ou bien il pourra décider de ne fumer que les trois-quarts de chaque cigarette, puis seulement la moitié, etc.
Des thérapies comme l'hypnose ou l'EFT sont également utiles pour accompagner les personnes souffrant de dépendances et les aider à trouver en elles les ressources qui leur permettront de réduire leur consommation de produits intoxicants, puis d'arrêter et enfin de ne pas rechuter. Je serai bientôt en mesure de proposer ce type d'accompagnement.
Développer sattva
D'après le Sāṁkhya, le système philosophique sur lequel reposent l'Āyurveda et le Yoga, la nature est composée de trois forces fondamentales (guṇa) : sattva, rajas et tamas.
- Sattva est la force de pure création. Il est associé à la pureté, à la paix, à la lumière, à la clarté, à l'harmonie, à l'amour et à la spiritualité.
- Rajas est la force d'action, de mouvement, d'agitation, de turbulence et de maintien. Il est associé à la réalisation de l'action, à la passion, à l'ambition, au désir et à l'ego.
- Tamas est la force d'inertie et de destruction. Il est associé à la lourdeur, à l'obscurité, à l'ignorance, à l'attachement et à la décomposition.
L'être humain ne pourrait pas vivre si l'une de ces trois forces était absente, mais l'Āyurveda et le Yoga s'accordent à dire que chacun d'entre nous doit tenter de développer sattva car il est la clé d'une bonne santé et favorise la croissance spirituelle. Or, chez les personnes soumises à une addiction, rajas et tamas sont en excès, tandis que sattva est en trop faible proportion. Les pratiques et aliments qui permettent d'augmenter sattva sont donc particulièrement importants pour ces personnes. Pour en savoir plus sur ce sujet, je vous invite à consulter l'article que j'ai consacré aux trois guṇa.
Conseils alimentaires
Au niveau alimentaire, on va avant tout chercher à restaurer le fonctionnement normal des agni grâce à :
- une nourriture chaude, cuite et légèrement onctueuse (en rajoutant du ghee après cuisson par exemple), préparée à partir de produits frais ;
- des épices douces comme le cumin, la cardamome, la cannelle, le curcuma, la coriandre et le gingembre (ce dernier étant à consommer en quantité modérée en cas de pitta élevé) ;
- la suppression des aliments acides autres que le citron (qui lui est très bénéfique) ;
- la consommation d'aliments tonifiants et structurants comme le ghee, le miel, les légumes verts, le riz basmati, le quinoa, les haricots mungo (mung dal), les pommes, les poires, le raisin, les mangues, les pêches, les fruits secs et fruits à coques (amandes, raisins secs, figues, dattes, abricots secs, pruneaux).
Chez les personnes alcooliques, l'agni devient très faible. La consommation de ghee (une cuillère à café dans les plats chauds) et de gingembre est primordiale pour le relancer.
Phytothérapie ayurvédique
Différentes plantes ayurvédiques disponibles en France peuvent être utiles pour soutenir le mental et aider l'organisme à retrouver un fonctionnement sain.
Le triphala va avoir une action détoxifiante et nettoyante sur le système digestif. Il va également permettre de rééquilibre les trois doṣa.
L'ashwagandha et le brahmi vont favoriser l'équilibre du mental, lequel est primordial pour se libérer définitivement de sa dépendance et ne pas replonger.
Les personnes dépendantes à l'alcool ont le foie très endommagé. Des plantes comme l'amalaki, la bhumyamalaki l'aloe vera, le neem, la manjishta et la guduchi pourront les aider à retrouver un foie sain.
Massages
Les massages de détente comme l'abhyaṅga (massage du corps à l'huile), le śiro'bhyaṅga (massage du crâne et des épaules) et le pādābhyaṅga (massage des pieds au bol) sont très bénéfiques pour aider à garder un mental calme et stable avant et pendant la période de sevrage.
Les soins subtils et énergétiques comme la marma-thérapie et le soin Kuṇḍalinī sont également conseillés pour éliminer les blocages énergétiques à l'origine de l'addiction et retrouver l'équilibre.
Yoga
Toutes les pratiques yogiques décrites dans mon article sur la gestion du stress peuvent être utiles pendant la période de sevrage afin de maintenir la stabilité du mental et de garder un haut niveau de volonté et de motivation.
Les postures qui agissent sur les organes digestifs, telles que vajrāsana (posture du foudre-diamant), yoga mudrā (posture de l'union psychique), pavanamuktāsana (posture de libération des vents), nirālamba bhujaṅgāsana (posture du cobra sans support), mayūrāsana (posture du paon) et matsyāsana (posture du poisson), permettront de relancer l'agni particulièrement affaibli par une forte consommation d'alcool et de stimuler le foie.
Les postures qui permettent d'ouvrir la cage thoracique, comme vīrāsana (posture du guerrier), bhujaṅgāsana (posture du cobra), uṣṭrāsana (posture du chameau), matsyāsana (posture du poisson) et cakrāsana (posture de la roue), aideront les fumeurs à retrouver plus rapidement leur pleine capacité pulmonaire.
Sūryanamaskāra (salutation au soleil) sera très bénéfique comme échauffement en début de séance de yoga. En effet, elle redonne au corps sa vitalité et aux articulations leur souplesse, et combine des postures qui travaillent à la fois sur le système digestif et sur le système respiratoire. Les personnes qui n'ont pas le temps de faire une séance de yoga complète pourront se contenter de faire une douzaine de salutations au soleil (ça ne prend pas plus de dix minutes !) et un peu de prāṇāyāma (très utile pour les fumeurs) ou de chant du mantra AUM.
Parmi les techniques yogiques de purification appelées ṣaṭkarman, deux sont à retenir :
- agnisāra dhauti (nettoyage avec l'essence du feu) : il s'agit d'une alternance de contractions et de relâchements du ventre effectués poumons vides qui permet, entre autres, d'allumer le feu digestif (agni) et ainsi d'améliorer la digestion ;
- kapālabhātī (la splendeur dans le crâne) : c'est un exercice respiratoire dans lequel les expirations sont actives et puissantes et les inspirations passives (ce qui est le contraire de la respiration normale), ce qui permet de purifier le système respiratoire, lequel est fortement encrassé par une forte consommation de tabac.
Il est préférable d'apprendre ces techniques auprès d'un professeur de yoga qualifié.
La combinaison de ces différentes approches offre plusieurs angles d'attaque qui augmentent les chances de se libérer de son addiction avec efficacité et sérénité.